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La Macula Lutea | coline termash
2 octobre 2011

L'Olivier qui parle

 

 

 

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L'Olivier qui Parle


Je vous le murmure du fond du soir et chaque soir. Cela vous est porté par le vent jusque dans vos maisons. Je n'ai pas plié sous la tempête égéenne, afin de toujours chauffer mes veines au soleil d'août, pour vous offrir l'huile antique.

Je vous le dis ce soir : mes racines trempées dans les âges de la sagesse ont tenté de fissurer votre route, non pour que vous chutiez mais pour que nous puissions à nouveau respirer le sel. Mes fruits ont roulé sur l'asphalte sans amasser. Sous mes ombres, quand c'est le temps de la récolte, ils ne sont plus rassemblés en tâches noires aux reflets marbrés, ils ne sont plus comptés au centre des nappes familiales, parmi les herbes grillées et fauves, sur la blancheur des dîners. Rien n'y a fait ; vous avez posé des cercles autour de mon centre, et j'aime encore plus mon centre. Je me tiens là à exploser de maladie et de ténèbres sur vos empêchements et vos bises bruyantes et qui sont trop rapides dans l'air qu'elles déplacent,  pour que je puisse m'y attacher. 

A six heure, le soir, vous jouez un curieux ballet qui me trouble  depuis des années : vos fers dévalent et se croisent, vous rugissez en diable et vos habits lui ressemblent, vous montez parfois presque nus des chevaux métalliques et aveuglants dans le soleil. Mes feuilles, les plus petites surtout, savent se cacher et s'immobiliser. Après, elles se penchent à nouveau sur le sein de la colline pour  boire le meltemi qui sait si bien me caresser.
Je n'ai plus d'âge tant vous êtes passés. Vos visières de tissus et de tôles comme les colliers du molosse vous gardent inlassablement près de votre longue envie d'artifice ; sans feu, celle-ci : toujours à vous faire avancer pour que votre désir sur votre désir à venir soit votre instant à venir vivre.
Il me tarde que ce soit la nuit dans laquelle je disparaîs de moi-même et des visions.

Je croîs. Je me pousse le bois. Je force la fécondité à m'en éclater. Je ne veux pas être commode. Je ne veux pas que vous buviez sur mon histoire dure et lointaine, au fond de vos tavernes obscures et bruyantes.
Alors, de guerre lasse, je m'écorche l'écorce pour que çà saigne et que ma sève âcre et rude, salée par les embruns des tempêtes nocturnes vous fasse patiner vers les fossés profonds de jasmins et de lauriers roses. Ainsi, dans le bas, dans le bas de vous, vous retrouverez votre naissance et ce qu'elle dit.

Vous avez répondu, vous répondez comme on s'épanche, et encore vous répondrez face aux panneaux d'indication, le panneau du croisement des deux chemins du village. Vous ne vous arrêterez pas sous mon humidité et ma concurrence : l'ignorance. L'arrêt, çà veut dire quelque chose. Vous sillonnez avec vos rayons, vous sillonnez la terre et ce qu'elle porte, sans arrêt, sans vous arrêtez sur l'épaule du repos végétal, sous le regard des faucons qui porte mon verbe aux îles et aux pêcheurs quand la chaleur de la terre leur tarde. Et je m'instruis et vous instruis par les vents maritimes.

Une a passé le croisement aujourd'hui sans mettre pied à terre, l'imprudente impudence. Puis, elle a descendue la pente, pied à terre. Puis, elle a rêvé, pied à terre. Les chevilles libres dans les herbes grillées. Puis elle m'a livré la douceur du regard, : celui du « quand on ne se connaît pas ».  Elle m'a demandé la permission d'imaginer, elle m'a remercié, c'est elle qui écrit mon être-là. Elle vous dira que je protège la tombe du chat de Yorgos, le petit garçon de 1823 ; elle vous dira les grands ânes qui aiment se gratter les oreilles sur mon tronc d’arbre comme pour écouter ce qu'ils ne connaissent pas.

Mes branches recevront le ciel et le ciel recevra mes branches : on se touchera les nuages et les étamines. Ma chute sera belle et nous nous arrangerons pour vous échapper. L'orage me fracassera le cœur sur vos piliers organisés, je volerai en mille éclats électriques à éclairer toute la vallée, et les étoiles m'accueilleront dans leurs  angles magiques.

Après, il y aura un trou. Sauf, à laisser là mes rejets...

On verra la vallée : un panoramique.



© Coline Termash septembre 2011  Paros

 

 

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Je n'ai pas plié sous la tempête égéenne, afin de toujours chauffer mes veines au soleil d'août, pour vous offrir l'huile antique.

 

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Sous mes ombres, quand c'est le temps de la récolte, ils ne sont plus rassemblés en tâches noires aux reflets marbrés, ils ne sont plus comptés au centre des nappes familiales, parmi les herbes grillées et fauves, sur la blancheur des dîners.

 

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Je croîs. Je me pousse le bois. Je force la fécondité à m'en éclater. Je ne veux pas être commode.

 

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Après, il y aura un trou. Sauf, à laisser là mes rejets...

 

Photographies non llibres de droit : © Coline Termash

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Commentaires
A
Magnifique, j'adore
G
Création innovante, ça me va !
R
très belle parution, j'avais été comme toi été impressionné par le vécu des oliviers de Grèce ( plus exactement de Crète, ou je suis allé), vers Phaïstos, où on trouvait entre les racines des fragments de colonnes...<br /> <br /> Ceux du sud de l'Italie, dans les Pouilles, leur font "concurrence"... vu leur taille, il y a des chances pour qu'ils aient connu le défilement de l'histoire, et je serais intéressé pour savoir, au moment de leur plantation, quel peuple ou quel empire ils ont cotoyé...
La Macula Lutea | coline termash
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